Hu Zhiang Belleville
Je sors de chez l’artiste botaniste Liliana Motta quand musardant sans vraiment de but à travers Belleville, mes pas me conduisent sur le boulevard. Sans y faire plus attention, je passe devant les commerces aux enseignes inscrites d’idéogrammes chinois. En marchant j’ai remarqué qu’il y avait une limite assez nette entre les restaurant et les magasins de nourriture tunisienne puis les enseignes chinoises. Environ 150 mètre avant le croisement entre le boulevard de la Villette et rue de Belleville. La république est universelle, mais chacun reste à sa place… Nous sommes un mois avant le confinement et la crise est encore à ce moment là dans les esprits un phénomène asiatique. Je découvre un peu médusé qu’un concept store a trouvé bon de tirer parti de la vague de racisme anti-chinois en placardant un slogan issus de la sphère instagram.
#IMNOTAVIRUS s’affiche en 4 par 6 entre un magasin d’import export et un restaurant. Le commerce n’a pas de limite et la cupidité sans frontière… c’est sans doute ça le libre échange.
J’avance encore en quête d’une pharmacie. J’ai un peu mal à la tête et j’aurai besoin d’un aspirine. A côté d’une boutique pimpante nourrie au bon lait de notre système de sécurité sociale il y a cet estencot, aux allures de tas peu engageant comme on en voit plein dans paris. Ces boutiques ou l’on achète en gros ou en demi gros. tantôt des sacs, tantôt des frocs, surtout du toc. Mais cette fois ci, ce sont des plantes qui sont représentées au dessus des idéogramme à mes yeux indéchiffrables. Je ne calcule pas tout de suite mais ça finit par monter au cerveau. Je passe plusieurs fois, devant, j’hésite et puis je me jette à l’eau. J’ouvre la porte, une cloche sonne. Je fais face à trois personne. Deux hommes d’une quarantaine d’année sont accoudés en conversation et une femme qui semble plus âgée est elle au comptoir à ma gauche. Les parois sont recouvertes d’un empilement de feuilles et de racines séchés, de cartons avec des images représentant je présume ce qu’ils contiennent.
Après avoir servi un visiteur, la femme me demande ce que je désire. Je lui dis que je cherche de la racine séchée de renouée du Japon. Elle glisse un regard vers l’homme, un peu démunie. « C’est quoi tu veux ? ». Je lui dit : » je crois que ça se dit « roudjiane » en Chinois. Froncements de sourcils, puis recherche sur son portable. » Ca ? c’est Hu Zhang – J’en ai, quelle quantité tu en veux ? » .Moi- « Je ne sais pas c’est quoi le prix ? ». Lui – « 4 euros les 100 grammes ». Moi « 100 grammes alors ». Il part dans l’arrière boutique et me ramène un sachet de congélation transparent strié de deux bandes blanches. Dedans il y a un peu comme des copeaux de bois orangés.
J’ai extrais des rhizome du sol des berges du Janon cet hiver. Un peu plus tard, j’en ai débité en tranches, un peu de la même façon. Ça y ressemble effectivement. J’explique au vendeur que je fais un travail de recherche sur cette plante et que j’aimerai bien lui poser certaines questions. C’est complètement improvisé, mais malgré les froncements de sourcils il accepte de me donner quelques informations. Il me dit que c’est lui qui va chercher les rhizomes en chine. Il s’ approvisionne dans différents endroits y compris dans le Hubei qui a ce moment là est subitement devenu célèbre a cause de la supposée origine du COVID 19. Je le soupçonne d’avoir appuyé là dessus pour essayer de m’impressionner mais bon passons. Il continue à rouler des mécaniques et m’explique que de toute façon, il faut avoir l’oeil pour déterminer quel produit sera de bonne qualité d’un autre. (j’avoue que je veux bien le croire). Il sait que la plante pousse aussi par ici, il en a vu sur un rond point, pas très loin d’ici. Mais m’assure-t-il « c’est pas pareil ici ». Il paraît clair qu’il a un business à protéger. Je n’en obtiendrai pas d’avantage sinon sur la posologie et les effets curatifs. Il me parle du traitement des gènes urinaires et rien d’autre. J’ai plus à faire semble-t-il à un importateur de plante qu’à un apothicaire…
Cette petite expérience me fait dire qu’une enquête plus poussée dans le Treizième arrondissement de Paris pourrait-être assez profitable pour comprendre les chaines d’approvisionnement dans lesquelles la Renouée se trouve intriquée. Mais la confiance avec les acteurs peut être difficile à gagner. Outre les problèmes de langage, ces commerces évoluent dans une zone disons potentiellement grise où les fureteurs sont peut-être mal vus.