La geste des poules

C’est une entrée en matière souvent dans nos conversations avec Dalila. L’histoire des poules, comme un fil rouge en quelque sorte. Les conditions de vies, les comportements sociaux de la tribu, les rapports poules-humain,… Mais le mieux c’est le récit Eschatologique ! J’adore ce mot, il en jette, hein !
Je tiens ça de Delphine T, la conteuse avec qui nous servons notre thé de Renouée. C’est le récit des origines,qu’elle m’a raconté et que je retransmet ici …

Eschatologie.

Par quoi tout ça a commencé. Ça me passionne, cette façon dont les groupes d’humains essayent de trouver des façons de se penser en tant que groupe à partir d’une origine commune. Il y a un récit des origines des poules de la friche du coq . Dalila est en quelque sorte la mémoire, une sorte de barde ou d’augure d’une tribu….

« Au début, parce que c’est comme ça que ça commence, six ou sept ans en arrière peut-être dix, on sait pas trop,
les poules se sont échappées de leur poulailler à l’usine située tout en haut de la falaise. Elles ont peut être passé un temps dans la forêt. Quoiqu’il en soit elles ont un jour atterri de ce côté ci du mûr de soutènement. Incapable de voler au dessus des 3 mètres de l’ouvrage, elles furent contrainte à rester sur cette friche dont l’appellation se dispute aujourd’hui entre l’illustre monsieur Charvin et notre gallinacé.

Super chef

Est-ce que la tribu de volaille à même tenté le voyage retour ? on ne sait pas, quoiqu’il en soit elle s’est bien accommodée de son arrivée dans la friche.

Le propriétaire est venu les chercher. Certaines se sont fait prendre, mais un bon nombre d’entre elles ont pu continuer à buller tranquilles entre trois pieds de renouées et une souche de budléia.

Cette liberté ne devait pas durer parce que « le super chef est arrivé d’en haut avec ses frères ». Ils ont mis tout ça en coupe réglée et toutes les petites poulettes y sont passées.

Il y a eu des poussins, des disparitions, des combats de coq, dont certains mortels, bref, le temps à passé Super chef, c’était le patron de cette époque. Mais super chef, il est démodé aujourd’hui bien que les poules continuent de dormir avec lui. « 

Quoiqu’il en soit après tout ce temps, la tribu de poules férales de la friche du coq croit et prospère. D. ainsi que les autres habitants ont l’habitude de venir donner à manger à ces animaux. Tout ce monde est donc largement nourri. Outre une certaine forme de sélection naturelle (chat de passage, rapaces, maladies) un contrôle de la population s’opère par un prélèvement « maîtrisé ». Les poules sont distribuées aux voisins ou à qui en fait la demande. A ce titre, Dalila est la référente. C’est à elle qu’on demande si on peut emprunter une poule ou non. Ainsi , un menuisier qui travaillait sur le chantier d’à côté a pu repartir avec un coq ou une poule. D. aime bien quand les gens repartent avec des coqs, ça évite qu’ils s’entretuent.

Le pas de la poule

Cette histoire et ces attachements font que le coq est un emblème du quartier. Aux yeux du voisinage, les renouées ne sont qu’un acteur secondaire de la friche. Et c’est donc dans un esprit d’alliance inter-espèce renouée/poule/humain qu’on a essayé d’intégrer cette composante du lieu.

Pour tester ses briques de renouée dans la durée,Tom Quin a produit un poulailler. On l’a peut-être fait un peu haut… Ce sont du coup les chats qui en profitent. Avec les poules, ils participent au contrôle du territoire qui pourrait-être autrement la proie des rats…

Avec les pigeons, elles jouent enfin un rôle non négligeable dans le compostage, puisqu’elles aèrent les tas en fouissant et en grattant. La transformation des déchets végétaux en fientes riches en nitrates participe ainsi de la fertilisation des sols. Ces aides de circonstance continuent le geste de foulage que nous opérons lors du banquet des terriens. Mais de quel pas celui de la poule ou de l’homme fut le premier à produire ce sol nouveau? Ne serait-il ainsi plus pertinent de renommer le geste du foulage en pas de la poule ?