LA FERME DES RENOUÉES

À Saint-Etienne, les sols archivent les transformations environnementales provoquées par l’action humaine. Comment le design peut-il contribuer à rendre (à nouveau) habitables ces paysages altérés ? Comment instaurer un nouveau «contrat» de cohabitation entre humain et non-humain ?

Avec “Renouer”, Jean-Sébastien Poncet étudie différents systèmes de production agricole pour concevoir une nouvelle forme – nomade & opportuniste – de la ferme dans l’espace urbain anthropocène. Pour cela, le designer travaille en collaboration avec une plante exotique dite “invasive”. La renouée du Japon aime nos sols post-industriels et pourrait jouer un rôle dans leur dépollution. En suivant les saisonnalités et mobilités de cette plante, la ferme urbaine des renouées du Japon active l’hypothèse de fabrication de sols fertiles pour un monde post-anthropocène.

Le projet « Renouer » initié par le designer Jean-Sébastien Poncet est porté au sein du Deep Design Lab – Explorations profondes des matérialités et des représentations visuelles de l’Anthropocène, un partenariat entre la Cité du design et l’Ecole Urbaine de Lyon.

Les évènements de la ferme des renouées en 2022

La ferme est ouverte au public tous les vendredi. Et en permanence, accédez à la balladodiffusion dans le domaine de la ferme, plus d’info ici.

Un dispositif expérimental ouvert

L’expérimentation de la ferme des renouées a été ouverte au public de la XIIe Biennale Internationale Design Saint-Étienne 2022 qui aura pour thème Bifurcations. Inaugurée par le broyage puis le compostage, la ferme opérera un deuxième cycle de fenaison-broyage-compostage qui clôturera sa période d’activation. Entre ces deux moments, elle a accueillit le travail d’autres designers, artistes ou chercheurs associés. Leurs propositions sont à lire en suivant ce lien.

Appel à manifestation d’intérêt.

La question générale à laquelle cette expérimentation propose de travailler en terme de recherche en design peut se formuler de cette manière : en quoi le fait d’enrôler la renouée du Japon  dans le processus de (re)design d’une ferme urbaine permet-il de déconstruire les pratiques et les imaginaires des sols urbains ? Question qui en appelle d’autres que nous formulons ci-après.

 1. Prendre soin des sols pollués

La ferme souhaite expérimenter les possibilités de prendre soin des sols pollués grâce à la renouée du Japon déjà présente sur ces sols.

Les processus que nous élaborons visent d’une part à extraire des polluants (les ETM, ou Éléments Traces Métalliques), et d’autre part à produire du sol propre directement sur place, grâce à l’apport important de matière organique réalisé par la plante. Cette matière organique, une fois broyée, sera compostée avec les biodéchets apportés par les habitants du quartier. Nous mettrons en place différents protocoles de captation des sols, des eaux et des différents organes de la plante, à différents niveaux de maturité, afin de produire des échantillons permettant d’évaluer cette hypothèse.

 2. Redesigner les outils de la ferme urbaine 

La ferme des renouées est une expérimentation de production de sol. Celle-ci est prétexte à un redesign de la ferme au cours de l’expérience. Les retours d’usage des participants seront intégrés à chaque itération du projet. Ce redesign permettra d’adapter les outils au système généré par cette pratique culturale, ainsi qu’à ses gestes et rituels. Il s’ancrera le plus possible dans une logique vernaculaire avec, lorsque c’est possible, l’utilisation de ressources locales, y compris de renouée du Japon elle-même. 

 3. Activer la relation aux sols urbains par l’intermédiaire d’une plante dite invasive. 

L’activation de ce «fermage urbain» inscrit dans une conduite mobile et opportuniste d’une plante spontanée questionne une potentielle convention d’usage des sols. On imagine que plusieurs questions sont à développer pour lui permettre d’exister :
• Qu’est-ce que signifie développer une relation trans-spécifique avec une plante exotique dans l’urbain anthropocène ?
• Y-a-t-il évolution des représentations anthropologiques des sols urbains à l’issue de cette expérience ? Que se passe-t-il dans ce processus ?
• Quelle anticipation juridique peut-on mettre au point pour développer l’usage des sols que suppose notre proposition ?
• Permet-elle d’activer une agentivité des sols urbains ?

L’expérimentation de la ferme permettra de poser ces questions afin d’avancer sur cette nouvelle typologie de convention d’usages des sol, qui semble nécessaire au potentiel déploiement de cette pratique culturale.

 

Crée en septembre 2019, le “Deep Design Lab ― Explorations profondes des matérialités et des représentations visuelles de l’Anthropocène est un studio de design-recherche à la Cité du design Saint-Étienne, en collaboration avec l’École urbaine de Lyon. Il explore des artefacts qui organisent les relations entre l’Homme occidental et la nature dans le cadre du concept d’Anthropocène ― concept qui désigne l’activité humaine comme puissance géologique. Le terme « deep » renvoie à un design « profond » qui défie la vision moderne et coloniale du design (et du monde). En questionnant la performativité du design et sa capacité à créer des valeurs sociales et politiques, les projets menés au sein du “Deep Design Lab” cherchent à générer, à travers des objets et des images, des attitudes non-anthropocentriques.

L’École Urbaine de Lyon, portée par l’Université de Lyon, est un programme « Institut Convergences » créé en juin 2017 dans le cadre du Plan d’Investissement d’Avenir par le Commissariat Général à l’Investissement. À travers son projet interdisciplinaire expérimental de recherche, de formation doctorale et de valorisation des savoirs scientifiques, l’École urbaine de Lyon ambitionne d’innover en constituant un domaine nouveau de connaissance et d’expertise : l’urbain anthropocène.